Longtemps décrié, le recours au travail détaché ne représentait que 0,4% de l’emploi du secteur privé en 2019.
La même année, 261 300 salariés ont été détachés au moins une fois en France et ont réalisé au total 675 300 détachements. Le nombre de travailleurs détachés à une date donnée (qu’il est plus pertinent de comparer au nombre de salariés en emploi) était en 2019 de 72 600.[1]
Défini par la directive européenne du 16 décembre 1996,[2] le statut de travailleur détaché permet à un employeur d’envoyer un salarié dans un autre Etat membre afin d’y fournir un service à titre temporaire.
Quels objectifs ?
Le détachement permet à l’employeur d’étendre son activité et de bénéficier d’une main d’œuvre qualifiée sur des métiers en tension sur son territoire. Le pays émetteur peut quant à lui résorber son taux de chômage et le salarié étranger augmenter son niveau de vie une fois rentré chez lui.
L'évolution du travail détaché
Avant la transposition en droit français en 2020 des nouvelles règles européennes sur le travail détaché, l’employeur était tenu de rémunérer le salarié détaché au minimum légal du pays de détachement. Les différences de coûts de main d’œuvre étaient à l’origine d’une nouvelle forme de dumping social et de nombreux abus (rotation des travailleurs, sociétés boîtes aux lettres…).[3]
Dorénavant, la règle “à travail égal, salaire égal” s’applique: le travailleur détaché et le salarié local réalisant les mêmes tâches perçoivent les mêmes rémunérations. Les frais de déplacement, d’hébergement et de séjour du travailleur détaché ne seront plus déduits de son salaire mais lui sont intégralement remboursés. La période de détachement est passée de 24 à 12 mois maximum, avec possibilité de prolonger de 6 mois.[4]
Désormais, le seul avantage financier du recours au travail détaché repose sur les cotisations à la sécurité sociale.
Peut-on concilier travail détaché et emploi local?
Afin de favoriser l’emploi national, en 2020, Muriel Pénicaud, alors Ministre du Travail et Bruno Le Maire, Ministre de l’économie et des finances, ont demandé à PSA de renoncer à l’embauche de 531 salariés polonais pour son usine d’Hordain, et d’employer en priorité des intérimaires locaux.
D’autres propositions plus radicales voient le jour: restreindre l’emploi des travailleurs détachés pour les entreprises qui licencient via des plans de sauvegarde de l’emploi ou de départs volontaires, ou qui recourent au chômage partiel.
Pourtant, il s’agit surtout pour les secteurs concernés de former les jeunes et les personnes éloignées de l’emploi. En effet, la crise sanitaire a souligné les difficultés de recrutement de certaines filières face à la pénurie de main-d’œuvre française qualifiée. En 2019, 40% des entreprises de la construction déclaraient être confrontées à des problèmes d’appariement entre l’offre et la demande.[5] Il est aussi primordial de réfléchir à l’évolution des conditions de travail. Les niveaux de salaires à l’embauche et les perspectives de carrières peu attractives sont autant d’obstacles à la recherche d’emploi, notamment dans le secteur agricole.
L’importance du recours aux travailleurs détachés en France est donc à relativiser face à la durée limitée des contrats de travail, au manque de flexibilité des activités saisonnières, à la faible demande d’emploi de certains secteurs ainsi qu’au manque de main d’œuvre qualifiée.
[1] (hors transport routier), Dares, Juin 2021, Qui sont les travailleurs détachés en France?
[2] DIRECTIVE 96/71/CE DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL du 16 décembre 1996 concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d’une prestation de services
[3] Le détachement de travailleurs | Fiches thématiques sur l’Union européenne | Parlement européen
[4] Ordonnance du 20 février 2019 qui transpose en droit français la directive (UE) 2018/957